lundi 28 avril 2008

Episode 14

Etant donné l’obligation de nous lever aux aurores nous ne nous attardâmes pas à la taverne, et ce malgré le désir de se détendre. Cela faisait si longtemps que nous n’avions pas pris un véritable instant pour nous que ce fut un petit déchirement que de payer l’addition et de repasser le portail de la STEAM. Toutefois, ce fut un trajet agréable, la pluie avait cessée son tintamarre sur les toits d’ardoise, et puis je n’avais pas eu froid en la sentant pressée contre moi. Nous allions d’un pas léger, si léger que j’en fus difficilement libéré après m’être allongé. Nous étions entrés plus tôt que les autres, et puis pour Térésa la journée du lendemain était une journée ordinaire de cours et de formation, rien à voir avec la fin de mon trimestre. Je tentai de m’assoupir mais le sommeil ne m’offrit qu’une ou deux heures d’apaisement, juste assez pour pouvoir tenir debout le lendemain matin.
Aux aurores nous nous mîmes en position comme chaque jour depuis trois longs mois, comme chaque jour nous eûmes droit à l’appel, au comptage et à la vérification de notre position. Certains portaient les stigmates d’une nuit arrosée, d’autres d’un manque latent de sommeil. Bien entendu tous nous fîmes en sorte de ne pas laisser trop laisser paraître cette situation qui, de toute façon était probablement habituelle au moment de la sélection finale. Devant nous s’alignèrent alors les professeurs et le recteur de la STEAM qui nous avaient accueillis le premier jour, et le recteur s’avança, nous salua et se lança dans un court mais très explicite discours.

Aspirants de la STEAM,

De 800 vous êtes arrivés à moins de 300 et nous ne retiendrons que 100 élèves vaporistes. Parmi ceux recalés nous laisserons la possibilité aux 50 meilleurs de retenter l’examen dans exactement un mois. Les autres sont libérés sur le champ et ne pourront plus tenter l’admission. Nous avons ici une exigence d’excellence et malheureusement l’excellence ne pardonne pas l’échec.
Vous êtes conviés à venir voir votre résultat sur deux panneaux prévus à cet effet dans le gymnase. Le premier panneau liste les élèves reçus, le second ceux qui nous offrons la possibilité d’un rattrapage. Tout aspirant dont le matricule est précédé d’un symbole devra se présenter au bureau des admissions pour un entretien complémentaire.
Je suis fier de voir que le niveau général, aux dires des examinateurs, reste très bon et même au-delà de nos exigences premières. Félicitations à toutes et à tous.

Tous les élèves admis auront le droit à dix jours de repos à compter d’aujourd’hui. Ils devront se présenter à leur officier d’insertion au premier jour ici même dans cette cour.
Dernier point : vous ne quitterez la STEAM qu’une fois votre uniforme et votre équipement restitués aux services de l’intendance. Tout objet perdu ou dégradé vous sera facturé.

Merci à tous.


Je tremblais. Mes mains s’agitaient, tant à cause de la fatigue que de l’angoisse. Pas facile de résister à une telle pression, un sur trois de choisi, une cinquantaine qui seront éventuellement repêchés et les autres recalés à jamais. Ca n’avait rien d’engageant, surtout que nous apprîmes que bien plus tard que sur les cinquante repêchés seuls quinze furent réellement admis. Quotas ? Résultats ? Jamais nous ne sûmes le fin mot de l’histoire, même en étant officier supérieur de l’armée. Ces choix furent de tout temps le secret le plus gardé de la faculté… Je suivis bien entendu le flot d’aspirants qui se jetèrent directement dans le gymnase. Au pas de course je remontai la liste dans l’espoir d’y voir le mien. Par un jeu étrange de l’ordre d’entrée ce fut le panneau des repêchés qui apparut en premier. Ceux qui se trouvèrent être sur cette liste semblèrent encore plus déçus que ceux purement et simplement recalés. En effet, cela signifiait surtout un mois de plus de travail intensif, un mois supplémentaire de stress et d’inquiétudes.
C’est lorsque je vis « 15-493-11 » sur le panneau des reçus que je pus souffler, excepté le fait qu’il était précédé d’un étrange blason rouge. Trois blason différents m’apparurent alors distinctement : un bleu, un rouge et un vert. Nous ne savions absolument pas à quoi correspondaient ces différents signes, et tout au plus une dizaine d’entre nous avaient ces symboles en regard de leur identifiant. Je fis donc ce que m’on avait dit, je pris le chemin de l’accueil, mentionna que j’avais un blason rouge et l’on m’orienta dans un vestibule. Solitaire, je restai là assis sur une chaise pendant un certain temps. Tout me sembla durer une éternité puis un jeune officier me fit entrer dans un bureau plus vaste. Face à moi un officier supérieur me fit signe de m’asseoir. L’homme en question portait, lui aussi, ce fameux blason rouge : un disque rouge avec dessus un canon noir surmonté d’un nuage blanc. Il me salua, et se présenta : Général de brigade Bockerville, premier bataillon de génie mécanisé. Je lui rendis dignement son salut en me présentant et m’enquis de la raison de ma convocation.
- Jeune homme, reprit-il, vous avez fait preuve d’une grande compétence d’un point de vue pratique, d’un pragmatisme fort intéressant et qui plus est d’initiative. L’accident de la chaudière n’est pas innocent à votre convocation ici. Sachez bien entendu qu’il n’est que peu acceptable de désobéir, excepté si l’ordre est insensé ou si une action interdite peut sauver des camarades. Ici, notre but est de concevoir puis faire fonctionner des machines comme le blindé que vous avez étudiés pendant ce trimestre. Vous serez donc affecté à la recherche et à la conception de véhicules améliorés dans ce domaine. C’est un honneur que l’on ne fait qu’à de rares jeunes premiers. Les autres sont affectés à une formation normale et feront l’honneur de servir dans les différents corps de notre armée. Il n’y a jamais assez de bons techniciens.
- Et… les blasons verts et bleus ? Demandai-je timidement.
- Les verts sont ceux affectés à la conception d’engins de transports terrestres. Le « train » si vous préférez. Ils font un travail similaire au nôtre, mais pour améliorer les camions et autres engins du genre. Les bleus eux… disons que les dirigeables devraient un jour disparaître si vous voyez ce que je veux dire. Seconde classe Barto Röner, je vous remets donc ce collier portant votre nom et matricule, ainsi que votre spécialité.
- Je suivrai les cours avec les autres ?
- Excepté certains aménagements pour pratiquer la formation complémentaire, oui. D’ailleurs, vous êtes tenu au secret de votre affectation ainsi que sur son contenu. Les autres élèves apprendront ce qu’ils ont à apprendre sur votre blason rouge, rien de plus que le nécessaire bien entendu. Au fait… bonne permission de dix jours ! Voici quelques billets pour « prendre du bon temps ».

Il se leva, me tendit une enveloppe contenant une coquette somme en espèce, me serra la main puis me salua au garde à vous. Je fus ensuite raccompagné à la sortie par le jeune aide de camp qui ferma la porte derrière moi.

Génie mécanisé. Quelle idée ! Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?

Aucun commentaire: