Après cet incident mes contacts avec Térésa furent des plus froids : bonjour, au revoir, rien de plus rien de moins. J’ignorais si elle m’en voulait pour mes réponses ou bien pour les remontrances qu’elle avait dû probablement recevoir de la part tant du médecin que du professeur. J’avais agi inconsidérément en matraquant cette soupape et qui plus je n’avais pas obéi à un ordre, j’étais donc indéfendable. Certes, le moteur n’avait pas explosé et j’avais été le seul blessé léger, mais tout de même mon inconscience aurait pu m’envoyer dans la tombe. De toute façon les deux dernières périodes furent très difficiles : je me levai bien avant les autres et me retrouvai consigné dès le dîner terminé. J’en profitai donc pour étudier plus que jamais bien qu’il m’était difficile de rester en place à cause des bandages. Je devais tenir une position inconfortable pour que je ne repose pas mon bras sur le bureau, et ainsi il m’arriva plusieurs fois de souffrir d’une crampe des plus douloureuses. Somme toute j’étais encore plus solitaire qu’à mon arrivée : Térésa ne me parlait quasiment plus et je ne pouvais pas contacter Wicca avant la fin des examens. Que pouvait-elle penser de moi à cette heure ? Je ne l’avais pas trahie, mais tout de même, être muet de la sorte aurait de quoi froisser n’importe qui.
Il ne restait plus les derniers jours consacrés aux examens. Cinq journées, cinq épreuves théoriques et pratiques sous les regards acérés de nos pairs. Tous nous frémissions tant d’excitation que de peur. Nous forçâmes le rythme et discutâmes plus intensément que jamais pour nous refiler les petites astuces ou pour éclaircir les incompréhensions. Les chambres devirent de véritables amphithéâtres où le savoir se partageait à la criée, comme dans un marché où les produits étaient la connaissance et la technicité. Les nuits s’écourtèrent d’autant, sans compter l’incapacité chronique que j’avais de dominer mes craintes. Dormir ? Ca va pas la tête ? J’en faisais des cauchemars tant je me voyais échouer et revenir tout penaud à la maison. Je m’étais engagé, j’étais parti à la ville, j’avais tout planifié seul, je me devais de ne pas partir d’ici sans avoir au moins réussi quelque chose. L’orgueil est un sacré stimulant surtout quand la compétition se fait contre soi-même. C’est ainsi qu’à la veille du premier jour j’avais réduit mes nuits à environ quatre heures de sommeil effectif.
La semaine débuta sur une épreuve écrite validant nos connaissances générales. Ce fut donc une espèce de questionnaire comportant tant des points d’histoire que de géographie, un peu de mathématiques somme toute assez sommaires et des évaluations sur notre langue. Dix pages à noircir, dix pages sévèrement notées vu qu’elles comptaient non pour le cinquième mais pour le tiers de la note. La STEAM estimait en effet qu’un bon vaporiste se devait aussi d’être une personne cultivée capable de dispenser son savoir n’importe où dans le pays. Pour ma part le devoir fut une formalité car rien que j’y vis ne me sembla insurmontable. Grammaire, vocabulaire, histoire des guerres d’invasion, géographie du territoire… tout ceci était acquis et nous avions tous eu le droit à des examens intermédiaires pour réviser ces cours ci. En soi, le tiers des points était donc tout à fait abordable ! Au bout des six heures de devoir je pus donc rejoindre ma chambre pour me préparer à l’épreuve suivante qui elle n’avait rien d’aussi facile… Technologie et dessin appliqué. A elle seule elle éliminerait probablement beaucoup de vaporistes bons en pratique, mais insuffisamment préparés sur la théorie. Pourtant le sujet était plus que connu : les schémas hydrauliques. Il nous fallait donc remettre en ordre un plan incomplet alimentant une machine. Cela tenait d’abord à une analyse du fonctionnement et une identification des éléments, puis ensuite à compléter des parts entières de la cinématique. Là, je suppose que je ne fus pas trop mauvais puisque j’eus la moyenne sur ce devoir. C’était une excavatrice minière, et chose incroyable d’un modèle très proche de celles utilisées aux alentours de ma ville. Je n’eus donc aucune difficulté à m’imaginer la chose fonctionner et à recréer des mécanismes proches des originaux.
Le lendemain, troisième jour. Je commençai à sentir la grosse fatigue m’envahir, l’ultime effort à faire était là, mais j’étais bien au bout de mes dernières forces. L’épreuve portait sur les mathématiques industrielles, de celles qu’on emploie pour des calculs tels que pour la résistance des matériaux ou bien l’identification d’une flexion maximale autorisée. Torseurs, matrices et abaques furent le lot de ce test où chacun sembla être totalement perdu dans les calculs. J’observai la grande salle où les sections étaient regroupées : certains dévoraient leur crayon avec angoisse, d’autres le faisait traîner sur un brouillon avec une mine pleine d’expectative, les derniers comme moi s’acharnaient avec une gomme pour débarrasser ma prose des fautes que j’y avais semé avec désinvolture. Je ne pus me résoudre à laisser plusieurs exercices incomplets, bien que je fus pris par le temps. La sonnerie retentit et nous dûmes nous lever, plier nos copies et les déposer dans un panier prévu à cet effet. Les différents surveillants qui avaient scrutés la salle partirent avec les documents mis dans des plis scellés qu’ils apportèrent aux professeurs. Ce soir là je me jetai sur mon lit et m’endormis aussitôt. Tant pis pour les révisions me dis-je en fermant les yeux. J’étais exténué.
Quatrième jour… Epreuve orale individuelle. C’était en soi un jour de quasi repos. Nous passions un par un devant quatre professeurs choisis au hasard, et nous devions lire des plans techniques et leur expliquer concrètement le fonctionnement de l’équipement, analyser si tout était bien conçu et surtout si c’était une solution à préconiser. Pour ma part je pense avoir eu de la chance, le plan n’avait pas de faille majeure en dehors d’un poids probablement trop conséquent, et je ne balbutiai pas trop pendant ma description. Vu que je fus parmi les premiers examinés je pus reprendre le chemin de ma chambre pour y prendre un peu de repos.
En entrant dans la chambrée je vis Térésa assise sur le matelas, m’attendant sûrement pour prendre quelques nouvelles de l’épreuve du jour. Je m’approchai, elle se leva
- Alors… commença-t-elle en hésitant, ça s’est bien passé ?
- Pas trop mal répondis-je un peu penaud. Comment ça va ?
- Ca va.
- Tu as été punie ?
- Punie ? Non. Le colonel m’a fait quelques remarques mais il a trouvé que sur le fond je n’avais pas tort. Il s’est contenté de me rappeler mes devoirs de réserve… et d’éviter d’avoir une relation avec toi. Il a dit que c’était risqué.
- Et c’est pour ça que tu es si distante, coupais-je un peu en colère.
- Et toi tu es décidé peut-être ?! Demanda-t-elle visiblement en colère. Tu choisis la solitude et les études mais tu veux que ce soit moi qui me décide !
- Je n’ai pas dit ça ! Laisse moi au moins le temps de finir les premiers examens pour choisir !
- Choisir ? Entre elle et moi ? Dit-elle avec un regard interrogateur.
- Entre toi, la STEAM… et elle, murmurais-je avec tristesse. Je veux vous garder toutes les trois. Toi, Wicca, et la STEAM.
- La faculté passe en dernier ?
- Elle passera après toi, ça c’est sûr.
- Alors, demain soir après le dernier examen tu ne seras plus consigné. Allons en ville et nous en parlerons plus longuement. Je ne dois pas être vue ici. Tu comprends ?
- Oui Térésa… A demain.
- A demain Barto.
Il ne restait plus les derniers jours consacrés aux examens. Cinq journées, cinq épreuves théoriques et pratiques sous les regards acérés de nos pairs. Tous nous frémissions tant d’excitation que de peur. Nous forçâmes le rythme et discutâmes plus intensément que jamais pour nous refiler les petites astuces ou pour éclaircir les incompréhensions. Les chambres devirent de véritables amphithéâtres où le savoir se partageait à la criée, comme dans un marché où les produits étaient la connaissance et la technicité. Les nuits s’écourtèrent d’autant, sans compter l’incapacité chronique que j’avais de dominer mes craintes. Dormir ? Ca va pas la tête ? J’en faisais des cauchemars tant je me voyais échouer et revenir tout penaud à la maison. Je m’étais engagé, j’étais parti à la ville, j’avais tout planifié seul, je me devais de ne pas partir d’ici sans avoir au moins réussi quelque chose. L’orgueil est un sacré stimulant surtout quand la compétition se fait contre soi-même. C’est ainsi qu’à la veille du premier jour j’avais réduit mes nuits à environ quatre heures de sommeil effectif.
La semaine débuta sur une épreuve écrite validant nos connaissances générales. Ce fut donc une espèce de questionnaire comportant tant des points d’histoire que de géographie, un peu de mathématiques somme toute assez sommaires et des évaluations sur notre langue. Dix pages à noircir, dix pages sévèrement notées vu qu’elles comptaient non pour le cinquième mais pour le tiers de la note. La STEAM estimait en effet qu’un bon vaporiste se devait aussi d’être une personne cultivée capable de dispenser son savoir n’importe où dans le pays. Pour ma part le devoir fut une formalité car rien que j’y vis ne me sembla insurmontable. Grammaire, vocabulaire, histoire des guerres d’invasion, géographie du territoire… tout ceci était acquis et nous avions tous eu le droit à des examens intermédiaires pour réviser ces cours ci. En soi, le tiers des points était donc tout à fait abordable ! Au bout des six heures de devoir je pus donc rejoindre ma chambre pour me préparer à l’épreuve suivante qui elle n’avait rien d’aussi facile… Technologie et dessin appliqué. A elle seule elle éliminerait probablement beaucoup de vaporistes bons en pratique, mais insuffisamment préparés sur la théorie. Pourtant le sujet était plus que connu : les schémas hydrauliques. Il nous fallait donc remettre en ordre un plan incomplet alimentant une machine. Cela tenait d’abord à une analyse du fonctionnement et une identification des éléments, puis ensuite à compléter des parts entières de la cinématique. Là, je suppose que je ne fus pas trop mauvais puisque j’eus la moyenne sur ce devoir. C’était une excavatrice minière, et chose incroyable d’un modèle très proche de celles utilisées aux alentours de ma ville. Je n’eus donc aucune difficulté à m’imaginer la chose fonctionner et à recréer des mécanismes proches des originaux.
Le lendemain, troisième jour. Je commençai à sentir la grosse fatigue m’envahir, l’ultime effort à faire était là, mais j’étais bien au bout de mes dernières forces. L’épreuve portait sur les mathématiques industrielles, de celles qu’on emploie pour des calculs tels que pour la résistance des matériaux ou bien l’identification d’une flexion maximale autorisée. Torseurs, matrices et abaques furent le lot de ce test où chacun sembla être totalement perdu dans les calculs. J’observai la grande salle où les sections étaient regroupées : certains dévoraient leur crayon avec angoisse, d’autres le faisait traîner sur un brouillon avec une mine pleine d’expectative, les derniers comme moi s’acharnaient avec une gomme pour débarrasser ma prose des fautes que j’y avais semé avec désinvolture. Je ne pus me résoudre à laisser plusieurs exercices incomplets, bien que je fus pris par le temps. La sonnerie retentit et nous dûmes nous lever, plier nos copies et les déposer dans un panier prévu à cet effet. Les différents surveillants qui avaient scrutés la salle partirent avec les documents mis dans des plis scellés qu’ils apportèrent aux professeurs. Ce soir là je me jetai sur mon lit et m’endormis aussitôt. Tant pis pour les révisions me dis-je en fermant les yeux. J’étais exténué.
Quatrième jour… Epreuve orale individuelle. C’était en soi un jour de quasi repos. Nous passions un par un devant quatre professeurs choisis au hasard, et nous devions lire des plans techniques et leur expliquer concrètement le fonctionnement de l’équipement, analyser si tout était bien conçu et surtout si c’était une solution à préconiser. Pour ma part je pense avoir eu de la chance, le plan n’avait pas de faille majeure en dehors d’un poids probablement trop conséquent, et je ne balbutiai pas trop pendant ma description. Vu que je fus parmi les premiers examinés je pus reprendre le chemin de ma chambre pour y prendre un peu de repos.
En entrant dans la chambrée je vis Térésa assise sur le matelas, m’attendant sûrement pour prendre quelques nouvelles de l’épreuve du jour. Je m’approchai, elle se leva
- Alors… commença-t-elle en hésitant, ça s’est bien passé ?
- Pas trop mal répondis-je un peu penaud. Comment ça va ?
- Ca va.
- Tu as été punie ?
- Punie ? Non. Le colonel m’a fait quelques remarques mais il a trouvé que sur le fond je n’avais pas tort. Il s’est contenté de me rappeler mes devoirs de réserve… et d’éviter d’avoir une relation avec toi. Il a dit que c’était risqué.
- Et c’est pour ça que tu es si distante, coupais-je un peu en colère.
- Et toi tu es décidé peut-être ?! Demanda-t-elle visiblement en colère. Tu choisis la solitude et les études mais tu veux que ce soit moi qui me décide !
- Je n’ai pas dit ça ! Laisse moi au moins le temps de finir les premiers examens pour choisir !
- Choisir ? Entre elle et moi ? Dit-elle avec un regard interrogateur.
- Entre toi, la STEAM… et elle, murmurais-je avec tristesse. Je veux vous garder toutes les trois. Toi, Wicca, et la STEAM.
- La faculté passe en dernier ?
- Elle passera après toi, ça c’est sûr.
- Alors, demain soir après le dernier examen tu ne seras plus consigné. Allons en ville et nous en parlerons plus longuement. Je ne dois pas être vue ici. Tu comprends ?
- Oui Térésa… A demain.
- A demain Barto.
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