jeudi 29 mai 2008

Episode 23

Dans un premier temps les circuits furent purgés, ensuite aidés de palans et de leviers nous levâmes les corps de chauffe pour les poser à part. Point par point nous démontâmes la transmission, la direction puis finalement les arbres de roues. Tout semblait si simple une fois aidé de personnes compétentes ! Arrivé à la roue prétendument défectueuse il s’avéra que le graissage était au mieux insuffisant en comparaison des autres. C’était tout le problème de faire avec les moyens du bord. Nul doute qu’avec l’équipement et les fonds de la STEAM ces deux là auraient conçus des machines autrement plus performantes que ce qui se faisait jusqu’alors. Pourtant je vis monsieur Violet hocher tristement la tête à plusieurs reprises et se saisir d’éléments que je supposais corrects pour les reprendre sur l’établi : un rivet mal serti par ci, un raccord qui fuit par là, il remit en ordre énormément plus de choses que je ne le crus. Pourtant, une fois le petit jour perçant timidement à travers le brouillard et un début de pluie je ne pus m’empêcher de penser qu’il n’était pas convaincu que nous réussirions à arriver à nos fins. Au moment de manger un morceau avant de nous coucher j’eus une idée que je pensais être valable. Quitte à tenter le diable sur un tel engin, pourquoi ne pas profiter des pièces et du rebut de la faculté ? J’avais accès à tout ceci et autant dire que je pourrais y faire des emplettes plus moins autorisées. Il sourit de mon initiative, s’en ouvrit à Wicca qui, a contrario de son père, accepta immédiatement. Je voulais essayer ? Après tout pourquoi pas à partir du moment que je savais ce que je faisais. Il y avait le risque je sois exclu des cours voire très sévèrement sanctionné pour vol, mais dans le fond l’esprit même de profiter de la STEAM la séduit tout autant que je l’étais. Je leur dis qu’en revanche il nous fallait dresser une liste que je me chargerais de réduire à néant au fur et à mesure de mes périodes de cours. Je profiterais bien de mes repos pour venir leur remettre mon butin. Ce fut décidé : s’il venait à m’arriver d’être viré j’aurais un emploi dans leur atelier, et si l’on réussissait je pourrais alors apprendre à conduire la voiture et même en construire une pour moi. Une telle machine pour moi ?! C’était un fantasme, un vœu qu’il me fallait à tout prix exaucer. Je me voyais déjà poussant cet engin dans ses derniers retranchements, dévalant les collines et passer en trombe devant chez moi, levant la poussière et effrayant les gosses des ruelles. J’étais comme ça, un chien fou cherchant la puissance et la vitesse.

Sitôt de retour à la faculté je pris le chemin du bureau de recensement, signa mon engagement de cinq ans puis me rendis au stock pour prendre ma tenue. Mon paquetage était déjà prêt sur une étagère : même matricule, même couleur, mais le blason rouge à l’épaule et une barrette au col. Deuxième classe Barto Röner, matricule 15-493-11 au rapport. On m’indiqua une nouvelle chambrée ainsi que les horaires de formation. Ce qui différait énormément des cours préliminaire c’était la présence d’éducation physique et d’entraînement à l’utilisation des armes. Je n’étais donc définitivement plus aspirant mais un militaire en cours de préparation. Je pus enfin voir Térésa qui m’embrassa avec tendresse puis me demanda de lui raconter mon congé. Je ne m’étendis guère sur la crise à l’est et lui décrivit un peu ce que je fis dans l’atelier de Wicca. Elle ne sembla pas être prise par surprise que je me sois arrêté la voir, ni même que je me sois lancé dans un peu de mécanique en dehors des cours. D’après elle c’était tout naturel que deux vaporistes s’entendent aussi bien. Malgré l’assurance qu’elle mit dans ses propos je sentis autant une pointe de sarcasme que de tristesse, un quelque chose tenant de la jalousie. Nous décidâmes de dîner ensemble au mess pour qu’elle me fasse le détail des règles inhérentes à la vie de soldat engagé. Elle me dit à ce moment là qu’il fallait que je m’attende à énormément de changements par rapport à la formation initiale. C’est à ce moment qu’elle remarqua l’écusson rouge, puis qu’elle me murmura à l’oreille de faire très attention à ne pas arborer n’importe où ce symbole. C’était une place convoitée, très enviée même par les plus anciens arrivant en fin de cycle. Génie mécanisé, un des summums dans l’armée, le fin du fin pour les étudiants de la STEAM. Elle-même rêvait d’y être affecté bien qu’elle sut très rapidement que seule une espèce d’élite pouvait y aspirer. D’ailleurs, elle me demanda ouvertement quelles avaient étés mes notes pour que j’obtienne une telle consécration. J’étais tout aussi étonné qu’elle, d’autant plus que je ne me trouvais pas un niveau acceptable surtout si je le mettais en regard avec d’autres étudiants. Je fis en sorte de faire dévier la conversation et prétendis devoir me présenter dans ma chambrée avant la fin de la journée. Elle reprit ses cours tandis que je me présentai à l’accueil des quartiers réservés. On m’y accueillit avec un certain respect et je constatai que l’équipement ainsi que le confort étaient meilleurs que pour les aspirants : chambres individuelles, lits confortables, mobilier monacal mais de qualité ainsi qu’une littérature neuve dans une bibliothèque personnelle. Pêle-mêle j’y trouvai un manifeste des règles militaires, les mêmes livres sur la technologie de la vapeur ainsi que plusieurs manuels consacrés à la conception et l’usage des armes, puis surtout un gros livre rouge simplement marqué « Génie mécanisé : spécialisation des technologies de la vapeur ». Intriguant. Je l’ouvris et commençai à bouquiner les premiers chapitres présentant le rôle des vaporistes affectés à cette unité quand la cloche du dîner sonna. Je n’avais pas vu le temps passer, je filai au réfectoire tout en arrangeant mon calot pour pouvoir saluer chaque officier ou sous-officier se présentant sur ma route.

Aucun commentaire: