lundi 2 juin 2008

Episode 25

Je descendis lestement et me présentai à un garde qui m’introduit auprès d’un professeur C’était un colonel qui remarqua mon épaule et son blason rouge. Il m’invita à le suivre et à discuter. Il m’expliqua alors chaque étape et chaque chose que faisaient les élèves, tout en déclarant que mon tour viendrait rapidement. Il me dit aussi que les choix des élèves portant les écussons rouge, vert et bleu n’avaient que peu de rapport avec la notation mais avant tout avec la volonté et « le truc », l’intuition, la passion pour le métier. « Un excellent élève peu motivé ne ferait jamais un bon vaporiste alors qu’un élève moyen mais motivé sera capable de se dépasser » affirma-t-il avant de me faire sortir des ateliers, ce que je fis sans trop me faire prier. Je retournai à mes lectures et surtout à ce livre rouge qui m’intriguait déjà énormément. Des heures durant je fus plongé dans les explications les plus détaillées qui soient sur mon rôle :

Le génie mécanisé a pour fonction de mettre en œuvre toutes les techniques possibles pour que l’ensemble des troupes puissent avancer. Le vaporiste de cette unité se doit d’être capable de s’adapter à toute situation, d’envisager l’usage de toute machinerie disponible pour que la troupe ne soit jamais arrêtée. Il aura également en charge la connaissance des explosifs et de toutes les armes employées par l’armée, en particulier l’artillerie mécanisée.
Accompagnant la troupe, les unités de génie mécanisé seront aux commandes des blindés et des engins d’accompagnement. L’entretien de leurs véhicules leur incombera en totalité et ne dépendront que des officiers supérieurs du quartier général.
En dernier lieu, le vaporiste de l’unité de génie mécanisé ne doit jamais abandonner la troupe à son sort. S’il a à choisir entre préserver l’équipement et les hommes, il se devra de se servir des armes à sa disposition comme tout autre soldat de la troupe. En cas de démantèlement de son unité il sera affecté au premier corps d’infanterie nécessitant des renforts et suivra la voie hiérarchique normale. En outre, il devra s’aviser des conseils des hommes de sa nouvelle unité et en tenir compte, même s’il est supérieur en grade.


C’était clair : le génie mécanisé, c’est concevoir et mettre en branle tout ce que la technologie offre comme possibilités pour vaincre. Je sentis un frisson monter le long de mon échine et j’en frémis. Il y avait là dans ces premiers passages un je ne sais quoi de désagréable, une obligation tant morale que militaire d’être en tête, en première ligne pour déblayer le terrain, ou l’adversaire. Le père de Wicca m’avait prévenu et je l’avais bien saisi : être vaporiste à la STEAM c’était faire la guerre et j’allais être formé pour être un expert dans ce domaine. Je dormis très mal cette nuit là, me retournant sans cesse en m’imaginant des scènes infernales, des foules hurlantes et des canons tonnant dans la fumée et l’obscurité. Je m’éveillai en sueur et me levai pour me laver le visage dans une bassine. Démissionner ? C’était une solution de facilitée, mais j’aurais donc fait tout cela pour rien ? C’était alors abandonner Térésa, trahir l’espoir de mes parents et surtout renier tout ce pour quoi je m’étais démené. Je me convainquis alors qu’il fallait réussir, advienne que pourra.

Le surlendemain je pris ma place dans ma classe. Au garde à vous, dans la cour au petit matin glacé et brumeux, nous saluâmes les généraux, le drapeau et entonnèrent plusieurs chants que nous avions appris en tant qu’aspirant. La main sur le cœur, l’autre le long de la hanche, nous nous penchâmes légèrement pour présenter nos respects à nos chefs qui quittèrent alors la cour pour nous faire rejoindre notre première heure de formation. Je reconnus plusieurs de mes collègues dont deux de ma chambrée. Plusieurs furent intrigués par le blason à mon épaule mais aucun s’en ouvrit à moi, même pendant les pauses et les repas de la journée. La consigne semble-t-il avait été donnée de ne pas s’intéresser à ceux portant un blason particulier et surtout de ne jamais aborder leur véritable travail. Bien entendu l’unité d’affectation était un secret de polichinelle, mais quant à savoir ce qui se passait en cours… Encore que, je suppose que certains éventèrent un peu ce que nous étions supposés ne jamais expliquer aux autres.
D’office nous fûmes informés qu’il n’y aurait pas de repos pour nous trois fois d’affilée du fait que nombre d’élèves d’années supérieures étaient parti en opération. Térésa étaient de ceux-là et il était donc nécessaire que nous intervenions sur des tâches généralement réservées à des sections supérieures : entretien des véhicules, réparation des pannes, préparation des armes et rangement des chambrées. En temps normal chaque classe avait la charge de ses propres équipements mais là, en temps d’opération à l’extérieur nous palliions au manque de main d’œuvre. Cela me satisfit d’ailleurs, car de cette manière nous n’allâmes pas en entraînement physique et je pus sans conteste découvrir bien des choses qui ne m’étaient pas réservé. Par exemple, c’est à ce moment là que je vis la mise au point d’armes à répétition ainsi que l’usage de la vapeur de manière offensive. Inutile de dire que je fus horrifié à l’idée qu’on puisse utiliser la vapeur pour ébouillanter et ainsi tuer son adversaire. Je supposai à tort que « l’ennemi » en faisait autant et que la guerre n’avait de règle que pour le vainqueur, pas pour le vaincu. Bien que retenu par l’obligation de travailler nos jours de repos je pus faire passer un premier paquet à Wicca lors d’une de ses visites. Nous avions une espèce de parloir permettant aux familles de voir les élèves et ainsi maintenir un semblant de vie sociale. Ce n’était pas grand-chose, une pièce anodine ici mais hors de prix au dehors, un système de sécurité très performant conçu pour les très hautes pressions. Nous fîmes le point sur l’avancement de la voiture puis sur les pièces manquantes. Apparemment ils s’étaient débrouillés pour se passer d’une bonne partie de mon aide, mais qu’un ou deux graisseurs et quelques paliers en bronze ne seraient pas de refus. Elle me demanda des nouvelles de Térésa mais je fus incapable de lui répondre. J’étais inquiet et anxieux bien qu’on nous assurait constamment que tout se passait bien pour les recrues. Elle partit donc en me laissant pour consigne de l’accueillir comme il se devait et surtout de bien prendre soin d’elle.

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