jeudi 5 juin 2008

Episode 28

Le jour dit alors qu’il faisait nuit on nous aligna dans la cour, nous eûmes droit à un briefing sur nos devoirs de soldat, et nous reçûmes nos tenues et barda. Cela n’avait rien à voir avec les uniformes de la faculté : noir comme la nuit, des grades mats pour qu’ils ne brillent pas à la lumière, un casque lourd en acier, un sac à dos très simple et bien conçu, une pelle, une trousse à outils et enfin un fusil avec deux cartouchières. On nous informa que des grenades seraient distribuées par la suite et que pour le moment nous devions garder nos armes dans des housses. Une fois dans le train notre équipement rejoindrait les wagons des unités logistiques. Certains seraient affectés à de nouvelles armes, des mitrailleuses conçues pour tirer à très grande cadence. J’en avais entrevu quelques unes dans les terrils d’entraînement et entendu leur chant strident, mais jamais suffisamment près pour me faire une idée sur ce qu’était ces armes. Enfin, on nous donna l’ordre de faire mouvement vers des camions à vapeur où nous montâmes dans une grande benne débâchée.
En chemin je pus observer la ville encore assoupie où les rares passants nous jaugèrent avec inquiétude. La colonne représentait facilement une centaine de soldats, et certains murmurèrent qu’on n’était que les techniciens, que la troupe était déjà à la gare pour monter avec nous. Ils venaient sûrement des casernes aux alentours de la capitale et étaient des volontaires rompus au service militaire. C’est étonnant, je ne pensai à rien durant ce trajet, pas même à mes parents. L’atmosphère était si étrange, on aurait dit que nous faisions qu’un dans l’unité, que tous nous étions tendus et prêts à agir le moment venu. Pourtant, certains murmuraient des prières ou tentaient de se détendre en discutant de tout et de rien. On me tendit une cigarette que j’allumai avec plaisir, un moment de détente pour soulager mes contractions. C’est à ce moment que je remarquai que ma main droite tremblait un peu, comme à chaque fois que j’étais en situation de stress extrême. Un homme posa sa main sur la mienne et cette chaleur me détendit. Je le regardai et remarquai qu’il était sergent. Ce n’était pas un élève mais un responsable de la troupe, un ancien qui devait nous encadrer et nous mener en cas de combat.
- Sergent Martfeld, ton nom soldat ?
- Deuxième classe Rôner, génie mécanisé.
- Tu es du génie ? Très bien, on aura besoin de toi je pense. C’est toujours difficile de manœuvrer et de faire fonctionner des foutues machines, surtout en ville. Tu sais où on va n’est ce pas, sinon tu ne serais pas aussi inquiet.
- Oui sergent.
- Détends toi petit, j’ai quinze longues années de service, j’ai participé à plus d’une guerre et ceux qui en reviennent sont ceux qui savent garder leur calme. Je n’ai pas besoin d’un héros, pigé ?
- Je crois sergent.
- Très bien. Toi et toi, dit-il en pointant du doigt deux soldats de troisième et quatrième année, vous prenez le deuxième classe avec vous. Il vous suivra, vous lui apprendrez le boulot.
- Oui sergent ! Répondirent les deux élèves en chœur.
- Tu es avec moi ?
- Oui sergent ! Répondis-je avec conviction.
Il se mit à chanter un air que je n’oublierai jamais et qu’on chanta souvent pendant les moments les plus durs.

Tu es soldat, tu tiens un fusil
Pas de question, juste l’ennemi.
Si ton frère vient à mourir,
Donne ta vie pour lui avec le sourire

On meurt tous, tôt ou tard,
Alors si tu vis, tu es veinard.
N’abandonne jamais ton poste,
Prépare toujours la riposte.

Si tu as peur, c’est que tu es vivant,
Alors tremble et bas toi maintenant.
Tiens ton fusil et tire encore,
Pour ton camarade qui est mort.

Et si tu meurs frère d’arme,
Pour toi je verserai une larme.
Tu es parti pour me sauver,
A mon tour d’être de corvée !

On tonna ce chant qui réveilla les bourgeois des quartiers chics et on ne cessa pas une fois dans la gare. Je vis sur le quai que Térésa et les Violet étaient parvenus à passer le cordon de sécurité. Privilège d’être accompagné d’une vaporiste je suppose. Je m’approchai, les saluai et réitérai ma promesse de revenir entier. Henri me jaugea avec tristesse et me fit promettre de ne me servie de mon arme qu’en dernier recours. J’obtempérai, leur souris et repris ma place dans le rang. Tout en m’éloignant pour monter à bord de mon train je ne pus détacher mon regard de ces gens qui comptaient autant que ma famille à présent.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Qu'apprends-je? En flânant sur le quai des Blogs, le feuilleton est mis en berne pour l'heure? Et je devrais m'esteamerheureux?

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Rien que d'y penser la vapeur me monte aux lèvres... ah pardon l'écume!